Vulgarité, « j’écris ton nom »
Tous les matins, depuis quelques jours, faut que je voie cette pub : un mec vachement bien baraqué, torse nu et portant un calcif pourvu d’une poche spéciale pour la bite. À voir le remplissage, elle devait être du genre costaud, sans parler du reste à venir en cas d’érection. De quoi rêver.
J’ai bien vu et dit « la bite », il n’y a que ce mot-là qui convienne en une telle occurrence, n’en déplaise aux effarés du vocabulaire, fût – il argotique, aux adeptes des points de suspension et autres initiales pudiques sinon pudibondes..
Marre de la censure, d’où qu’elle vienne, marre de la diplomatie à mots couverts. Marre du rien, de l’impalpable, des vanités bien pensantes.
J’étais en crise et cela durerait un certain temps. Peut-être le temps que les affiches du calbar audacieux soient remplacées par les bienfaits et la magie d’une boisson rafraîchissante.
Mais, pour l’heure, j’étais montée sur mes grands chevaux et fallait pas m’emmerder. Mais cette affiche n’était évidemment qu’un prétexte à ma colère qui s’inscrivait dans un parcours immuable : on vend du pouvoir, factice de préférence. Ce caleçon, aux protubérances intéressantes, était le seul message à délivrer à ceux ou celles qui se limiteraient à cela ou ne pouvaient que se reconnaître en cela. Un homme solide, un vrai, un porteur de virilités physiques propres à couper court à toute autre discussion.
L’Occident qui se gargarise de sa prétendue civilisation adore déshabiller et montrer la marchandise, en brut. Cette fois, c’était un homme que l’on avait installé sur l’étal et les femmes, nécessairement « hétéros », étaient priées de se pâmer d’envie devant le regard de ce mannequin mâle qui vous vrillait profond aussi bien qu’une bielle de bagnole. D’autres fois, ce sont des femmes qui s’y collent : sourires admiratifs, décolletés abyssaux, slips à déchirer.
Tu t’achètes le parfum ad hoc et tu pourras baiser ferme et rouler dans la voiture qui ruine ton compte.
Quel que soit le macadam que l’on arpente, on le paie cash.
J’ignore comment fonctionne la pub en Orient et notamment celui de l’obscurantisme qui s’y muscle actuellement. Pas envie d’aller sur place pour vérifier : peur de rencontrer un porteur de couteau moralisateur, peur de ces cordes à la justice expéditive qui vous cassent le cou et vous balancent au vent, peur de ces phallus en bande qui s’affairent à un viol collectif.
Folies noires, brutes armées, décérébrées, endoctrinées, manipulées.
Mais s’il n’y avait que la pub pour exciter ma rage inutile et mon désespoir aussi vain que récurrent…
Voilà que mon journal, qu’il soit parlé ou de papier, m’annonce jour après jour l’innommable recul de la civilisation dont on croyait qu’elle était propre aux humains. Comment une éventuelle Sheherazade pourra-t-elle éviter une lapidation ?
Qui sera la prochaine sorcière à brûler ?
Mais cette chasse à courre se pratique à nouveau en Occident et en Afrique : une « bonne guerre » et c’est reparti pour les charniers, les tortures et autres représailles du « vainqueur » sur le « vaincu », sur ses biens, sur ses « possessions », en ce compris le « cheptel » féminin.
Que dire enfin de cette Amérique « profonde » où les censeurs deviennent les gymnastes quotidiens du bon-à-penser, à lire, à dire sur l’air de « yankee doodle donkey ».
Je dégueule. Je pisse et chie sous moi. Je pue, j’empeste et ce ne sera jamais assez d’ordures pour signaler mon dégoût et mon horreur.
Qui agira ?
Jusqu’où ira le silence ?
Comment s’établit la comptabilité des avantages ou désavantages à tirer du laisser-faire et de l’indifférence, avec leurs dosages subtils, issus tant de la diplomatie que de l’appât du gain ?
Tout cela est bien plus nauséabond que mes tristes et futiles déjections…
Il était quinze heures et c’était un lundi.
Le poste de garde reçut un appel pressant.
— La vieille du 21 fait encore des siennes…
— Devant quelle Ambassade ?
— Non, cette fois c’est devant l’Office des Étrangers.
— On arrive et on l’embarque.
— Ok, mais en douce, les gars, ce n’est jamais qu’une pauvre folle…