top of page

Ta voix sur mon épaule

Scène 1: Where she goes


Trois mots tapés sur un clavier, dans un moteur de recherche, depuis mon compte Instagram. J’ai choisi Pierre parce que c’est le prénom de mon ex, chef parce que c’est le métier de mon ex, Miami parce que j’habite cette ville où il ne vit plus. Un prénom, un métier, une ville. Un synopsis ou un malentendu. C’est un visage dans un cercle sur lequel j’ai posé mon index. Pour voir. La marque de mon doigt sur l’écran. J’ai cliqué sur sa story, un chef français primé ou son restaurant élu le meilleur au monde, quelque chose dans le genre. J’ai mis un cœur. Mettre un cœur. Et je l’ai remercié d’avoir mentionné mon pays comme étant l’emblème du savoir-vivre. Il m’a répondu en français. J’ai corrigé ses fautes d’orthographe. Il s’est excusé, je lui ai répondu. Je vous pardonne. Et je me suis ajoutée à ses followers. Enchâssée. Entre des milliers d’autres appâts.

Pierre est Américain. Il est né le 09 novembre. Il fait le vœu à l’âge de six ans d’apprendre la gastronomie française. La langue française. Une fois son diplôme d’ingénieur obtenu, il n’écoute plus sa mère, il prend un aller simple pour Paris. Apprendre le métier de chef. Pourquoi Miami, il me répond qu’il affectionne le sable et le vent. Il dirige le meilleur restaurant gastronomique, à Miami Beach. Lequel. Il ne répond pas. Je lui écris que mon prénom est Adèle, A pour la forme de la Tour Eiffel et ça lui plaît. Française par ma mère, américaine grâce à mon père. J’enseigne. Je suis professeure de danse classique pour l’école de ballet de Miami. Il met un cœur. Je lui laisse un message vocal. Une minute, temps limité. Je milite pour les inégalités sociales. Aucune réaction.

Tous les jours ensuite. Nous écrivons des bouts d’histoires. Des mots tapissés de peau. Un mois de messages à propos de son métier, du mien. J’élude la question de l’engagement. Il peint, il dessine. Je le crois. Il mange sainement. Il se rend trois fois par semaine dans une salle de sport. Et je reçois des photographies des plats qu’il prépare ou des tableaux qu’il signe. La nuit. Je rêve que je pose pour lui. Je rêve de teintes rouges et or. Je rêve qu’elles coulent dans ma gorge. Les griffures du fusain sur ma peau. Je rêve qu’il dessine dans son appartement. Des femmes nues sur des écrans.

Quinze jours supplémentaires pour entendre sa voix. Une symphonie masculine. Un raclement de gorge. Huit heures du soir, quelque chose de simple ou de généreux, il me laisse choisir. Il a envie d’une salade, quelque chose de frais, je lui propose une adresse à côté de de chez moi. Je suis en avance, il est en retard. Il me prévient. Trente minutes d’attente. Je le sens s’approcher. Le volume méticuleux de son corps dressé devant le mien et son ombre qui absorbe la mienne. Je suis prise en étau. Ses bras qui se replient sur moi. Quinze centimètres entre nous, six années d’écart jour pour jour et une chemise rouge et or contre ma peau.

Je suis gênée. C’est lui qui se masse le cou, il se gratte le nez, ses yeux bougent autant que des jambes qui voudraient s’enfuir, il se rapproche. Je sursaute. Je mets ma jambe contre la sienne, il recule. Il a mal au dos. Au cou. Il souffre d’une hernie discale qu’il traite par une grenouille. Je m’esclaffe. Le venin d’une grenouille appelé kambo. En Colombie. Et chaque année, une chamane au visage de pierre lui administre le venin. Six brûlures sur l’épaule, des points dans lesquels elle introduit le poison issu de la grenouille Phyllomedusa bicolor. Vingt-six heures pendant lesquelles il vomit. Maux de ventre. Diarrhées. Son visage se déforme. Ses lèvres enflent. Il jeûne. Il se purifie pour une année.

Sa bouche dans la mienne. Le goût de la noix de coco sur sa langue. Il veut m’inviter chez lui cette nuit, ou chez moi alors, pourquoi attendre puisque la connexion est évidente. Il ne me jugera pas. Je dis oui, chez moi, je dis le contraire. Je dis oui pour ne pas dire non. Ses yeux sur mon corps, sur ma colonne vertébrale, la ligne entre mes fesses et c’est moi qui me balance au-dessus d’un brasier. Il retire ses chaussures et ses six bracelets. Des pierres. Le noir, le rouge, l’or. Il dépose son téléphone sur la table basse du salon, son portefeuille, les clefs de sa voiture. Un peigne. Il me demande un verre d’eau avec six glaçons. Il est superstitieux. Pas de préliminaires. Pas de préservatif. Et le plaisir immédiat. La jouissance ensuite. Sa barbe noire dans mon visage. Ses yeux qui se révulsent. Et c’est mon corps taillé pour lui. Are you dating someone. Je réponds non. Il a tout oublié de la France, des mots, de la langue. Et toi. Il ne me répond pas. Son torse contre mon dos. Sa tête au-dessus de la mienne. Dans mes entrailles. C’est mon corps entaillé par sa semence.

Ses bracelets qui s’entrechoquent, les clefs, le portefeuille, le téléphone. Son peigne. Il se recoiffe. Il m’embrasse.

Il se baisse, il soupire, il est sans cesse au-dessus des êtres. Au revoir. Deux mots prononcés et c’est la déflagration dans ma langue. Sa voiture noire, la marque, à l’instar de toutes les voitures qui circulent ici. Il n’a pas l’intention de me revoir.

Je veux le revoir. Je veux lui parler, je ne veux plus m’arrêter, je veux pouvoir le caresser, sans craindre de subir la séparation ou le manque, mes mains dans ses cheveux noirs, ma tête dans son cou et mes baisers derrière ses oreilles. Je veux me balancer entre les spasmes et la lumière du jour, je veux marcher à côté de lui, l’empreinte de son corps sur le sol, ses pas trop longs pour moi, la main qu’il ne prend pas, son bras trop haut pour ma taille, je veux raccourcir les distances, éviter l’évaporation, je veux lui être agréable, je veux qu’il m’aime, dédier mon corps au sien, je veux détourer le sien, n’importe quoi à condition qu’il voit mon message. Les signes sur mon écran. Qu’il me réponde et que les images de nous persistent.

Je propose un nouveau bar de quartier, un prétexte pour le voir à nouveau. L’ombre de son corps sur le mien. L’observer à l’extérieur. Près de chez lui. Avec les autres. Nous deux au milieu des autres. Son visage qui prend tout l’espace. Mon corps qui se résorbe près du sien. Interminable. Il loue un appartement de trois pièces au vingt-sixième étage d’un condo. Il jouit d’une des plus belles vues de Miami, entre le lever et le coucher du soleil. Un arc de cercle noir, rouge et or. Ou une lame interminable. Son appartement est l’unique ancrage qu’il s’autorise. Ou engagement. Sa vie peut être en désordre, il tient tant qu’il ne déménage pas. Les femmes jugent sa façon de vivre. Elles le quittent. Des phrases comme celles-ci que j’apprends par cœur sans les comprendre. Des livres et des empilements de vestes de cuisine dans le salon. Deux écrans d’ordinateur, un bureau et le lit placé au centre de la chambre. Je mémorise. Chaque objet en parallèle du balcon. Pas de toiles contre le mur, ni de dessins en cours. Mais ses mains dans mes hanches. Sur ma poitrine. Le mur sur moi et un miroir en face du lit. Les deux écrans d’ordinateur. Je suis filmée. Et je ne dis rien. Il veut me voir, il me veut sur lui. Il veut. Utiliser un lubrifiant, une huile à base de noix de coco. Pas de préservatif. Tant pis. C’est ma peau tapissée d’images que je contemple en face de moi.

Il a vécu ici avec elle. Grande, belle, intelligente, indépendante, artiste, drôle, fun, sexy, fantasque. Six années.

Grosse, droguée, alcoolique, ruinée, amère, colérique, possessive, frigide, terrorisée. Le corps en faillite. La vie en couple, ça finit comme ça. Des enfants, non. Deux avortements. La vie à deux, c’est une dystopie. L’exclusivité est mortifère. La fidélité n’est valable que vis-à-vis de soi-même. Je tangue, entre le miroir et la fenêtre. Je vacille. Mon reflet se fragmente. Je n’entends pas.

Il ne gare jamais sa voiture au même emplacement. La portière, côté passager, est condamnée. Pas de passager à ses côtés. Il me dépose devant l’entrée de mon immeuble. Le déchirement comme autant d’inflammations sur ma chair. C’est la patine de sa voix dans mon oreille, ses messages qui claquent, ils répondent aux miens ou est-ce le contraire, c’est moi qui écrit mon amour, qui décrit sa main dans la mienne et le croisement des lignes sur le sol. Il m’envoie des cœurs. Je lui envoie des photos. Je lui parle trois fois par jour, je partage la moindre anecdote et je prédis notre avenir. Les signes qui relient les faits entre eux. Une espèce végétale prise dans le béton. Les traces sur la fenêtre du studio de danse parce qu’il a plu. L’embrasement du ciel chaque matin ou chaque soir. Je lui envoie des photos de mon père, de ma mère, de la France où je n’ai pas grandi. Je veux qu’il sache d’où je viens, qui je suis, qui j’étais avant lui. J’alimente. Et jamais nous ne nous téléphonons.

Je désactive mon statut en ligne. Évasive. Je fais semblant, je fais comme lui. Je restreins. Je passe du bleu au gris. Mes paroles dans son oreille pour ne plus attendre qu’il les écoute. Je résiste. Ne pas lire instantanément ses messages. J’essaye. De ne pas répondre immédiatement. Je me persuade. Il écoute mes audios. Il clique juste dessus pour que s’affichent les deux coches grises. Autant de confirmations de lecture que je traque ou de formes négatives que j’efface. Je prononce son prénom, quelque chose d’ésotérique ou de de divinatoire, je le répète des dizaines de fois et je m’agrège à lui. Je vais dans les musées, dans les écoles d’art, je commande les plats qu’il apprécie, des spécialités thaïlandaises, créoles, caraïbéennes, colombiennes, vénézuéliennes. Je vais dans les lieux où nous n’allons pas. J’adopte ses mimiques. Ses expressions. Ses messages me rendent euphoriques. Le moindre délai de réponse m’angoisse. La perspective de le revoir. Je suis fébrile. Projetée vers lui. Je vibre. Une fois par semaine. C’est le ratio. Chez moi. Chez lui. Jamais le même jour. Jamais le week-end. Le week-end, il est avec ses amis. Genre neutre. Il ne m’adresse rien de personnel. Et il dissimule l’écran de son téléphone dès qu’il le consulte devant moi.

Je propose la visite d’une galerie d’art ou un film au cinéma. Un cœur, un pouce. Il ne répond pas. J’acquiesce. Il m’embrasse. Je me dissous.

Et une fois par semaine, il dépose son téléphone, ses six bracelets, son portefeuille, son peigne. L’huile parfumée à la noix de coco. Je lui apporte son verre d’eau avec six glaçons. Il instrumentalise ses rituels. Il repart le lendemain, peu avant neuf heures du matin. Ses messages ensuite jusqu’à la semaine suivante. Les mots qui frappent ma poitrine. Les verbes de mes désirs. Ou de mes valeurs. Je mélange les termes. Voyager avec lui, déjeuner, se rencontrer le jour. Je me tais et c’est lui qui voyage. Pour une semaine. Une semaine en moins. Un congrès mais je n’en sais pas davantage. Je réécoute mes messages. Les siens. À l’aube pour dissimuler ma présence sur WhatsApp. Au Massachussetts. En Arizona. En Californie. En Colombie. Dans quelle ville est-il, pourquoi, combien de temps, quand rentre-t-il. Il disparaît. Je simule. L’indifférence. Je ne m’engage plus. Je n’agis plus. J’enseigne devant un miroir, face à une barre qui ne me tient plus.

Son téléphone à côté du mien, une fois par semaine. Son verre d’eau, ses six bracelets, son portefeuille, son peigne. Une trace et un cercle. Sa voiture dont je suis la trajectoire, mon doigt sur la vitre. Et la portière côté conducteur telle une gifle. Des caresses. Il en veut encore. Mes émotions. Il veut que je les lui détaille. Jalousie, tristesse, dégoût, rejet, sentiments ou émotions, c’est idem, c’est de la douleur logée dans ma mémoire. Je m’y abîme.

Il a un deuxième compte Instagram. Un compte public sur lequel il publie les photos de ses voyages. Sa participation à des festivals tantriques. Les dîners qu’il organise. Des corps nus pris en extase, des corps dans des cercles de feu. La nuit. Lui avec elle. Lui avec des centaines de femmes. Minces, plantureuses, blondes, brunes, cheveux longs, cheveux courts. Thaïlandaises, Créoles, Caraïbéennes, Colombiennes, Vénézuéliennes. Entre vingt et cinquante ans. Des femmes qui le désirent. Des centaines de corps sur moi. Et autant de lignes, de courbes, de sinuosités impossibles à supprimer. Pas de préservatifs. Et des heures de préliminaires. Je suis un algorithme parmi d’autres. Je suis comme elles. J’ai les yeux clairs. Défenestrée derrière un écran. Prête à m’enfoncer dans le mur. À l’instar de cette tourterelle qui heurte la vitre de ma chambre. Elle meurt devant moi, de l’autre côté. Après six minutes.


Scène 2: The secret in their eyes


Give it to me. Ma jouissance. Et c’est mon corps tendu vers lui. C’est mon téléphone dans mes paumes et la vibration qu’elles surveillent. Des centaines de messages, les miens entre les siens. Et je replonge. Je repose ma tête sur son épaule. Voyager. Partir une semaine avec lui. M’endormir ou me réveiller au moins deux fois, en continu ou en simultané. C’est beaucoup pour lui. Il ne peut pas me donner davantage. Ce qu’il me donne, il le partage. Il a d’autres relations. Il a besoin de ses autres lovers pour être en harmonie avec lui-même. Il est un polylover. Il me fait confiance. J’ai assez d’intelligence émotionnelle pour dépasser mes valeurs. Ou surmonter mes peurs. Compersion,le mot pour exprimer le sentiment d’empathie. Ou se réjouir du plaisir de l’autre. L’inverse de la possessivité que la relation, monogame et exclusive, génère. Oui, mon amour, c’est ce que je ressens quand une de mes partenaires est avec un de ses lovers que j’apprécie, c’est comme cela que je transforme la jalousie.

Ses amis, ses amies sont des polylovers. Je suis la seule de ses lovers à ne pas faire partie de la communauté des polyamory. La sémantique ou la communication. L’honnêteté. La liberté. Et c’est la même éventration dans les deux langues. Ses lovers. Elles prennent soin de lui. L’une d’entre elles vit à l’étranger, je ne sais plus ce que cela signifie, l’étranger, une relation à distance, une relation numérique et des milliers de phrases qui pénètrent son téléphone. Jusqu’à six. En différé. Des langues qui embrassent mes mains, elles consument mon téléphone, elles sortent de sa bouche, elles me lèchent. Elles m’engloutissent. Par à-coups. Ses hanches contre mon bassin. Et dans mes oreilles, leurs gémissements. Les souffles. Les spasmes. Les corps sur le mien. L’onanisme collectif et les pénétrations. Les rires, les tambours, les martèlements des pieds. Une tonalité rouge et or. Une odeur aussi. Des centaines de prières sur ma peau. Des sexes et des barres dans ma chair. Interminables. Échapper aux images. Les rassemblements, les cercles et l’embrasement du rouge. L’or au centre. Les onctions du feu. L’avant, l’après. Je m’étouffe. Je suis un volatile traqué, je suis sa proie. La mienne depuis que j’ai perdu le sens et son orientation.

La tête, renversée. Tranchée. Je suis un végétal absorbé par le béton. La fenêtre ou le miroir. Une fois par semaine, je pose et je suis sanctifiée sur l’estrade. Fracassée contre une vitre ou jetée hors de moi-même pour son propre bénéfice. Sur la ligne d’horizon, entre ce qui reste d’étoiles sur un fond noir, je suis un arc, il me vise. Adossé sur le capot de sa voiture, je suis entre ses jambes. Et ce sont nos corps qui basculent. Ce sont des mains qui attrapent nos pieds. Nos jambes. Nos cuisses. Nos sexes. Nos ventres. Nos poitrines. Nos gorges. Nos bouches. C’est mon visage dans le creux de son oreille, juste derrière, dans ses cheveux. Sa zone érogène. Il frémit. Il grogne. Il se recroqueville. Mon visage dans celui d’un autre homme. Lui dans le vagin d’une autre femme, il me sourit enfin. Ses lovers. Lui et ses modèles sur moi. Il me veut avec des femmes, c’est ainsi qu’il jouit de lui-même. Il jouit d’être désiré. Il jouit lorsque je me cambre de plaisir, il jouit lorsque je danse sur les corps, il jouit de voir jaillir de mon ventre des dizaines de corps. Il jouit lorsque mon corps déborde de son véhicule.

Je pleure. Je suffoque. Je hurle. Je m’enfuis. Foudroyée. Exposée aux maladies sexuellement transmissibles. Je suis figée. Et je choisis de ramper à ses côtés. Je me vide de ma substance. Pour lui. Pour mon anniversaire. Pour son anniversaire, je lui achète un bracelet, il ne porte pas de parfum, je lui achète une chemise. Le 9 novembre, il est pris. L’axe. Je chute dans mes pirouettes. Mes sauts. Je suis clouée au sol. Il n’y a jamais eu de sol. Je perds mon assise. Il n’est pas disponible. Il n’a pas de cadeau pour moi. Le 9 novembre, je ramasse ses cheveux. Chez moi. Mes sentiments et les faits. Le parfum de la noix de coco sur la serviette. Les marques de ses bracelets, son téléphone, son portefeuille, son peigne, le verre d’eau. Je bois les six glaçons, une gorgée par jour. J’utilise sa serviette tombée sur le carrelage. L’huile qui s’est renversée sur le sol. Je me badigeonne les jambes, les cuisses, le ventre, la poitrine, la gorge. Le sexe. Interminable. Et c’est la mémoire de mon téléphone qui se déverse. Un trou noir dans lequel j’ensevelis nos motifs.

Je romps. Ses stratégies, je les brise sur le sol. Tous les verres dans lesquels il a bu. Toutes les formes captives dans la toile qu’il n’a jamais peintes de nous. Une nuit par semaine. Je rêve que je mets le feu à sa voiture. Ma main dans ses cheveux à masser sa nuque, la ligne devant, la barre en moi, la route sinueuse et une musique aussi. Interminable. Une tonalité rouge et or.

Dans l’habitacle, je reprends ma place, côté passager. Je le quitte. Et je mords l’air. Je ne me retourne pas. Je me tords sur le sol. Je lacère le sable et le vent sur lesquels rien ne tient plus. La chemise que je ne lui offre plus. Le bracelet. Ma peau. Et je m’écroule contre le mur. Ensevelie sous les corps des femmes, je m’enlise. Contre le corps des hommes. Je lutte. Et je m’envole.

Là, sur mon épaule, six points incandescents dans lesquels une figure de pierre dépose le venin d’une grenouille. Le rouge et l’or. Et c’est moi qui vomis pendant vingt-heures toutes les images que j’ai avalées en six mois.


Bande-son du texte, Where she goes, de Bad Bunny.

Film, The Secret in their Eyes, film argentin, 2009, Juan José Campanella, Eduardo Sacheri.

Ta voix sur mon épaule

?
France
bottom of page